Le 18 Mars 2009, la Banque Fédérale américaine a annoncé un plan d'action qui équivaut à grossir son bilan de 1150 milliards $, soit 8% de la taille de l'économie américaine. La Fed va acheter jusqu'à 300 milliards $ de bons du Trésor à Long Terme au cours des six prochains mois tout en augmentant de 850 milliards $ le montant global du dispositif déjà mis en œuvre pour racheter des titres adossés à des prêts immobiliers. Comme l'atteste le graphique ci-contre, c'est la première fois que la Fed a recours de façon si exponentielle à l'augmentation de la base monètaire. Qu'est-ce que la base monétaire ?
Il s'agit du montant total d'une monnaie qui est soit distribué dans les mains du public, soit disposé dans les dépôts des banques commerciales de la banque fédérale. Par exemple, supposons que le pays X dispose de 600 millions d'unités de monnaie en circulation dans le public et sa banque centrale dispose de 10 milliards d'unités de monnaie de réserve dans le cadre des dépôts de plusieurs banques commerciales. Dans ce cas, la base monétaire pour le pays X est de 10 milliards + 600 Millions ; soit 10,6 milliards d'unités monétaires.
En achetant directement la dette du gouvernement fédéral, la Fed se trouve à augmenter la quantité de dollars en circulation, puisque pour acheter ces obligations à long terme du Trésor, il lui faudra créer de la nouvelle monnaie. «La réserve fédérale va utiliser tous les outils disponibles pour promouvoir la reprise et préserver la stabilité des prix», lit-on dans le communiqué faisant part de sa décision.
-En août 2008, la base monétaire s'établissait à 871 milliards de dollars.
-En février, elle avait atteint 1587 milliards de dollars.
-Aujourd'hui, elle se dirige donc vers les 2700 milliards de dollars.
La Réserve fédérale américaine s'est donc résolue à imprimer de l'argent dans le but de dégeler le crédit à la consommation et aux entreprises. Quels sont les faits et quelles seront les consèquences ?
LES FAITS
On a pu voir que la Fed s'essaie à un exercice auquel elle ne s'est jamais livrée. Il faut savoir que cette intèrvention a suivi celle de la Banque d'Angleterre, qui a été la première à recourir à la monétisation ("quantitative easing") il y a quelques jours, et c'est ce qui a pu convaincre la Fed de s'aventurer dans cette avenue aux conséquences encore mal balisées - à noter que la Banque du Japon lui a aussi emboîté le pas, tandis que la Banque du Canada s'est dite prête à s'y résoudre, si nécessaire. Seulement, l'efficacité d'une telle mesure pour stimuler la croissance, testée sans succès par la banque du Japon à la fin des années 1990, fait débat. Plusieurs responsables de la Fed l'ont déjà critiquée. Car cette politique n'est pas sans risque. L'argent avec lequel une banque centrale achète des obligations d'Etat est en effet une monnaie qu'elle crée de toutes pièces.
La mise en route de la "planche à billets", selon les détracteurs de l' assouplissement quantitatif", est un exercice risqué, car il faut savoir s'arrêter à temps pour ne pas inonder l'économie de liquidités et déclencher inflation incontrôlable. L'activation de la planche à billets a eu pours consèquence de diminuer de plus d'une quarantaine de centièmes le rendement des obligations du Trésor de 10 ans en quelques minutes. Il cotait tout juste au-dessus des 2,50% à la fermeture des marchés. La Fed a envoyé le signal que la demande pour ces titres restera forte puisqu'elle est prête à en acheter (il faut savoir que plus une obligation est en demande, donc chère, et plus son rendement a tendance à diminuer).
A l'heure actuelle, l'état des finances américaine est dans une passe dèlicate. Aussi, les prévisions laissent place à une envolèe de la Dette (source ICI) :
Plan de relance Obama (Stimulus package) : $787 milliards +
TARP II : $1 000 milliards +
Infusion en Cash de la Reserve Federal : $1 000 milliards +
Deficit budgetaire 2009-2010 : $1 700 milliards +, et $9 300 milliards projetés pour les 10 prochaines annèes
Budget Federal 2009-2010 : $3 600 milliards
Réforme de Santé : $1 500 milliards + pour les 10 prochaines années
"Cap and trade" (taxe carbone) : supérieur à $2 000 milliards + durant les 10 prochaines annèes
Ce recours aux plans de relance trouve son explication dans le fait que des traietements de choc doivent être utilisés. Un des aspects fondamentaux d'une économie artificielle reposant sur le crédit est que comme pour un drogué, elle a besoin de stimulations toujours plus fortes pour se maintenir à flot : les plans de relance étatiques ont en apparence une certaine efficacité dans un premier temps et semblent raisonnables en terme de coût. Puis il faut augmenter sans cesse les doses de dette parce que le consommateur devient de plus en plus équipé et a de moins en moins d'appétit de consommation.
En 1983, il fallait 1,63 $ de dette nouvelle pour obtenir 1$ de croissance du PIB.
En 1997, il fallait 3,08$.
En 2007, il fallait 6,86$ pour obtenir ce même $ de croissance.
http://abcbourse.com/analyses/chronique-le_point_sur_la_bulle_du_credit_aux_usa_et_en_europe-129.aspx
Le marché des titres du Trésor est plus petit que ceux des hypothèques ou des obligations corporatives. Les taux de ces derniers sont établis en fonction d'un écart par rapport au premier. Il lui faut donc allouer moins d'argent pour obtenir le même résultat sur les coûts d'emprunt du secteur privé. En plus d'acheter de la dette gouvernementale, la Fed veut aussi désengorger les marchés en se disant prête à acquérir 750 milliards US de titres adossés à des hypothèques émis par les sociétés Fannie Mae et Freddie Mac, mises en tutelle l'automne dernier. La Fed porte aussi de 100 à 200 milliards US ses achats de titres de créances émis par Fannie et Freddie.
Il faut signaler que l'annonce de la Fed a été accueillie avec enthousiasme à Wall Street, mais a fait plonger le dollar, la baisse à venir des rendements obligataires américains supprimant l'un des principaux motifs d'achats de billets verts.
LES CONSEQUENCES
Le rachat sur les marchés d'obligations du Trésor va commencer en fin de semaine prochaine (semaine du 23 mars) et se dérouler ensuite à raison de deux ou trois opérations hebdomadaires. L'arrivée d'un acteur aussi puissant que la Fed sur le marché de la dette publique doit pousser les prix obligataires vers le haut et par conséquent les rendements vers le bas. Ces interventions vont ainsi faire baisser les taux à long terme et par conséquent le coût des emprunts obligataires lancés par les entreprises, leur apportant ainsi une bouffée d'oxygène.
Le fait que la Réserve fédérale américaine se mette à acheter des obligations du Trésor américain pour faciliter une détente des conditions de crédit. La Fed annoncera aussi le lundi 23 mars l'élargissement de la gamme de titres adossés à de actifs qu'elle pourra accepter en nantissement dans le cadre de son programme de prêts (Term Asset-Back Securities Loan Facility TALF) «afin de faciliter l'extension du crédit aux ménages et aux petites entreprises».
Les investisseurs sur le marché des changes ont été effrayé. Ils craignent que le recours à la planche à billet ne rende les avoirs américains beaucoup moins attractifs et donc affaiblisse à terme le taux de change du dollar.
Cette décision laisse plusieurs questions en suspens. D'abord, les analystes du marché des changes s'attendent à ce que le goût pour le risque des investisseurs s'amplifie sous l'effet de la décision de la Fed, pouvant permettre à l'euro de tirer son épingle du jeu.
Dans le même temps, en cas de déstabilisation du dollar sur le marché des changes, il est probable que les investisseurs cherchent des placements plus sûrs et ne se reportent sur l'or, qui pourrait alors connaître une forte hausse de son cours sur le marché. Ainsi, sur le court terme, les analystes du marché des changes parient fortement sur un affaiblissement du dollar qui pourrait être inversé si la Banque Centrale Européenne décide de prendre des mesures similaires pour la zone euro.
Toutefois, sur le long terme, un consensus existe parmi les cambistes. En effet, si les mesures prises par la Fed permettent un rétablissement de l'économie américaine, le dollar devrait automatiquement en profiter sur le marché des changes. Cette croyance est largement répandue puisque Wall Street a réagi hier très positivement aux annonces de la Fed, contrairement au marché des devises.
COMMENTAIRES
Comme l'indique L'Expansion, cette action a surpris bon nombre d'analystes qui s'étaient préparés à ce que la Fed. Il s'agit d'une volte-face par rapport à sa décision de janvier où cette voie avait semblé écartée. Voici les commentaires des analystes :
« Le but de la manoeuvre de la Fed est en fait de détourner les flux de capitaux des bons du Trésor vers des actifs plus risqués en rendant les premiers moins attirants. Nous ne sommes pas sûrs que 300 milliards de dollars soient suffisants, mais c'est un bon début », note Ian Shepherdson, économiste de l'institut HFE. (L'expansion)
Pour Jon Jansen, spécialiste du marché obligataire et ancien de la Fed de New York, ce mouvement de marché est "immense, historique et extrêmement violent", le président de la Fed Ben Bernanke ayant "lancé un missile balistique intercontinental sur le marché". (L'expansion)
Pour Julia Coronado, de Barclays Capital, la Fed a « sorti l'artillerie lourde » : « ils ont conclu qu'ils ne pouvait pas rester assis les bras croisés en attendant que le Trésor et le Congrès résolvent les problèmes, et qu'ils devaient être plus agressifs pour faire repartir les marchés financiers ». (L'expansion)
«Nous tenons pour acquis que tous ces nouveaux achats seront financés avec de l'argent de la banque centrale, affirme Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. En août 2008, la base monétaire rajustée s'établissait à 871 milliards, en février, elle avait atteint 1587 milliards et, aujourd'hui, elle se dirige vers les 2700 milliards. La planche à billets va chauffer.» (L'expansion)
L'ancien président de la Fed de Saint Louis, William Poole, est l'un des Cassandre selon lesquels "il n'y a pas d'exemple dans l'histoire" d'une création massive et réussie de monnaie. Les adversaires de la mesure y voient également un artifice peu tenable sur le long terme. (Lapresseaffaires)
"Pousser les rendements des bons du Trésor en dessous de ce que dictent les fondamentaux pourrait poser les bases à une retournement de grande ampleur quand l'économie se reprendra", relèvent les analystes de Morgan Stanley. (Lapresseaffaires)
«La Fed porte aujourd'hui un grand coup qui devrait contribuer à faciliter les conditions sur les marchés du crédit, juge Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins. Toutefois, les risques de plus long terme sur l'inflation ou la valeur du dollar américain deviennent plus inquiétants.» (Lapresseaffaires)
«La Fed cherche dans l'immédiat à redonner de la liquidité dans les marchés», résume François Barrière, vice-président, développement des affaires, marchés internationaux, à la Banque Laurentienne. (Lapresseaffaires)
«Parce que les hypothèques peuvent facilement être renégociées aux États-Unis, cela signifie que les coûts d'emprunt pourront diminuer presque immédiatement pour beaucoup d'emprunteurs», fait remarquer Eric Lascelles, stratège chez TD Valeurs mobilières. (Lapresseaffaires)
Que représentent donc près de 2000 Milliards de Dollars de base monétaire créée artificièlement par les US ?
Et bien c'est simple : visez un peu ce que ça donne >>>
100 dollars >
10 000 Dollars >
1 million de dollars (100 paquets de $10 000)>
100 Millions de Dollars >
1 Milliard de Dollars >
1000 Milliards de Dollars >
2000 Milliards de Dollars >
L’inextricable situation des finances américaines
Pour l’exercice 2010, le gouvernement des Etats Unis américain a présenté un budget de 3 552 milliards de dollars reposant sur un déficit record de 1 750 milliards de dollars en 2009 (12,3 % du PIB, cinq fois le budget annuel de la France). Au déficit budgétaire de 2009, s’ajouteront les déficits de 2010 et 2011, chacun autour de 1000 milliards de dollars. Pour cette période triennale, le besoin en financement approcherait 3 000 milliards de dollars. Pour pallier à ce déficit, le gouvernement table, d’une part, sur une réduction des dépenses publiques dès 10 % et, d’autre part, sur le recouvrement de 67 % des sommes consacrées aux divers plans de sauvetage.
Cette analyse est optimiste au regard des besoins de refinancement des établissements financiers et d’assurance dont nul, à ce jour, n’est en mesure d’en préciser l’exact montant. Une chose est sûre, les sommes allouées au sauvetage des banques ne sont pas illimitées. Jour après jour, celles-ci sont sollicitées. Par exemple, début mars, 30 milliards ont été prélevés pour réabonder les comptes de l’assureurAIG dont les résultats trimestriels faisaient état d’une perte de 61,7 milliards de dollars, 465 421 dollars chaque minute.
A ce rythme, l’enveloppe financière se tarira vite. Que fera t-on alors ? Lancer de nouveau un plan ? Creuser davantage le déficit ? Est-ce seulement possible ? La politique de la planche à billets ne risque-t-elle pas de s’enrayer ?
Tout dépend du maintien de la signature des Etats Unis et de sa capacité à refinancer ses déficits en recourant à l’endettement extérieur. L’apparence ne doit pas faire illusion. La résistance actuelle du dollar face à l’euro est liée à la liquidation par les investisseurs américains de leurs positions sur les marchés financiers internationaux. Mais demain, tout dépendra de l‘attitude de la Chine, premier créancier des Etats Unis.
Les chinois continueront-ils à acheter des bons du Trésor des Etats Unis ?
"Il s’agit d’un investissement sûr, les Etats-Unis ont une réputation financière bien méritée" a déclaré Mme Clinton lors de son séjour en Chine. Presque une imploration, un cri de détresse. Selon une argumentation connue, la Chine doit acheter des bons du Trésor américains ne serait-ce que pour protéger la valeur des avoirs qu’elle détient déjà en dollars. Devançant le Japon, la Chine est le premier créancier mondial des États-Unis. Au 1er mars 2009, elle détenait 712 milliards de dollars de bons du Trésor (selon les statistiques américaines). Si la Chine suspend l’achat de bons du Trésor, la valeur de ses avoirs libellés en dollars baissera fortement affectant par ricochet sa situation économique. Le deuxième argument consiste à dire que rien ne serait pire qu’une dépréciation du dollar, le yuan se réévaluant d’autant condamnant ainsi les exportations chinoises.
Question : même si la Chine souhaite s’accomplir, le peut-elle réellement ?
Forte de réserves de change considérables 2.000 milliards de dollars (20 % du PIB), en théorie, la Chine disposerait des moyens de poursuivre l’acquisition de bons du Trésor des Etats Unis. Seulement voilà, un simple calcul suggère le doute.
Elle même aux prises avec la crise, la Chine doit d’abord répondre du propre déficit de son budget. Même s’il apparaît anecdotique, 750 milliards de yuan ($109 Md) en 2009 contre 570 milliards de yuan ($83 Md) en 2008, ces sommes devront être couvertes. S’ajoutent le montant du plan de relance de 580 milliards de dollars annoncé en novembre 2008 lui même arrimé au plan de soutien à l’économie de plus de 1400 milliards de dollars (un tiers du PIB) présenté à l’occasion de la session annuelle du Parlement, le 5 mars. Or celui-ci est indispensable pour maintenir la paix sociale, notamment, avec la création d’une véritable Sécurité sociale. En somme, la manne de 2000 milliards - auxquels s’ajoutent les surplus annuels - trouve déjà à s’employer en Chine. De surcroît, la dégradation économique a été si rapide que certains officiels chinois estiment qu’il faudra envisager d’autres plans de relance. Dès lors la marge de manoeuvre pourrait se réduire en peau de chagrin et entamer la capacité de la Chine à répondre à la demande américaine.
Enjeu politique
Dans l’ombre, des responsables chinois s’interrogent. Un sentiment amer s’est fait jour en raison des pertes colossales enregistrées par des sociétés américaines dont les chinois avaient souscrit des parts tel le fonds Blackstone. Echaudés par leurs investissements aux Etats unis, les chinois s’interrogent sur la capacité des autorités américaines à contrôler la situation. De surcroît, le billet vert étant désormais assorti d’une rémunération nulle, l’intérêt d’en acheter ne s’impose pas.Mieux vaut alors faire le deuil de tout ou partie des avoirs déposés aux Etats Unis plutôt que de persévérer dans une voie sans issue, proclament certains (China Daily, mercredi 17 décembre).
Recentrage géopolitique
En arrière fond du débat, se profile l’affirmation d’une ligne orthodoxe en Chine à l’accent plus nationaliste. Depuis deux ans, celle-ci s’est renforcée en raison d’un agacement croissant concernant les critiques occidentales sur les droits de l’homme. La crise ne fournit-elle pas l’occasion de procéder à unagiornamiento de sa politique ? Pourquoi ne pas constituer un bloc avec des pays aux économies plus saines, moins regardant sur la question des Droits de l’homme ? A cet égard, la visite officielle du Président Chinois en Arabie Saoudite en février dernier témoigne d’un activisme diplomatique sans précédent. Egalement confrontés par la dévalorisation de leurs avoirs aux Etats Unis, les pays du Golf explorent une autre piste. Qui plus est, la relance de la croissance chinoise promet un réajustement du prix des matières premières. Fort de 70 % des avoirs financiers mondiaux, un bloc structurant allant de Riyad à Pékin est une réponse logique à la crise.
Quelle issue ?
Dans ce contexte, le succès réunion du G20 est aléatoire. Le recentrage de la politique chinoise pourrait décevoir l’attente des Occidentaux en quête de liquidités. La conséquence pourrait être un effondrement de la demande chinoise lors des adjudications d’emprunts d’Etat américains laquelle aboutirait de facto à une chute du dollar augmenté d’une flambée des taux d’intérêt à long terme aux Etats-Unis. Dans le sillage, une remontée du cours des matières premières et l’hyperinflation.
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